Ce n’est qu’après plusieurs années de consommation d’une substance dangereuse que l’on se pose en général la question de savoir pourquoi on a commencé, et comment on en est arrivé à continuer d’absorber un produit qui tue, tout en étant conscient du mal qu’il peut nous faire…
Le pire dans tout ça, c’est d’arriver à culpabiliser d’avoir été malade, car oui l’addiction est bien une maladie.
Tout le monde ne devient pas « accro » du jour au lendemain, au premier contact avec une drogue ou avec un comportement : l’addiction est un processus plus ou moins rapide, au cours duquel les individus augmentent progressivement la fréquence et la quantité de leur consommation.
Le tabac étant une drogue, c’est un engrenage sournois dont le fumeur est victime sans s’en rendre compte…
LA CONSOMMATION DIFFÈRE D’UN FUMEUR À L’AUTRE
Les usages des substances dits récréatifs
Il s’agit des consommations ponctuelles, éventuellement festives et à des doses restreintes : un verre de vin pendant le repas, une cigarette pendant une pause café, un joint occasionnel…
Les usages des substances dits excessifs
Ce sont les consommations fréquentes d’une quantité non négligeable d’alcool ou de drogues (le tabac en fait partie).
Ces usages entraînent des modifications au niveau du système cérébral qui, envahi par ces substances, devra retrouver un équilibre pour fonctionner normalement. Lors de l’arrêt de consommation, une sensation désagréable appelée communément « le manque » se fait alors sentir de façon plus ou moins forte selon la substance ingérée.
Pour retrouver son état normal, l’individu devra renouveler sa consommation. Ces comportements ont une incidence sur la santé physique et mentale de la personne : atteintes au foie, aux poumons, anxiété, dépression, risque suicidaire…
Les usages pathologiques des substances
Ils se caractérisent quant à eux par l’incapacité de l’individu à résister à son envie de consommation, bien qu’il soit averti des conséquences néfastes qu’elle aura sur lui et son environnement personnel et professionnel.
Les personnes accros sont plus vulnérables aux « messages » de bien-être transmis par la substance à leur cerveau. Ils ne contrôlent plus leur comportement face au produit ou à l’activité à laquelle ils sont accros, la partie de leur cerveau gérant le libre-arbitre étant affectée.
Rôle du cerveau dans l’addiction
Grâce aux progrès des neurosciences, on connaît de mieux en mieux les mécanismes neuro-biologiques de l’addiction.
Ceux-ci sont étroitement liés au « système de récompense » un circuit du cerveau responsable des sensations de plaisir ressenties après certaines actions.
Présent dans le cerveau reptilien de l’homme, comme dans celui de nombreux animaux, c’est grâce à lui que nous répétons volontiers les comportements indispensables à notre survie et à celle de notre espèce : manger, boire, avoir des rapports sexuels, procréer…
Dans les troubles addictifs, ce mécanisme fondamental du vivant est perturbé, tout d’abord par la prise d’une substance (alcool, tabac, substances illicites…) qui démultiplie la sensation de plaisir, ensuite par un dysfonctionnement du cerveau, qui ne régule plus correctement son système de récompense.
Lorsque ces deux dimensions sont réunies, on aboutit à la maladie addictive.
Comment cela se passe t’il ?
Les substances psycho-actives perturbent la transmission entre les neurones des «informations » responsables de nos perceptions, sensations, émotions, humeurs.
L’information, qui circule entre les neurones par l’intermédiaire des neurotransmetteurs (substances sécrétées par le neurone), est comme brouillée, les perceptions changent, les sensations sont aiguisées ou atténuées.
Les neurotransmetteurs ont un rôle de régulation sur le circuit de l’information entre neurones : certains la stimulent, l’accélèrent, ou l’atténuent ou la freine.
Circuit d’information entre deux neurones
Prenons exemple de la dopamine : le neuromédiateur (ici, la dopamine) secrété par le premier neurone, traverse l’espace de communication situé entre les deux neurones (synapse) et rejoint le deuxième neurone où il se fixe sur des récepteurs.
À chaque neuromédiateur correspond un récepteur spécifique,
capable de le reconnaître et de le réceptionner
Notre cerveau secrète près d’une centaine de neurotransmetteurs tels que la dopamine, la sérotonine, les opioïdes, les cannabinoïdes, l’endorphine, l’acétylcholine…
Mais alors comment faut-il faire pour soigner une addiction ?
Cela ne se fait pas en un jour.
Il faut entamer ce que l’on appelle communément un « sevrage » qui va passer par une re-programmation totale du cerveau.
Prendre la « décision d’arrêter de fumer » est différent de prendre la « décision de devenir ex-fumeur ».
La première reste superficielle et temporaire (modification du monde extérieur, de l’environnement, des comportements), alors que la seconde est un changement profond et durable (modification du monde intérieur, des valeurs, de l’identité, des croyances).
Ces 2 niveaux de changement sont en général toujours en conflit et empêche le fumeur d’avancer dans sa démarche d’arrêter.
LA NICOTINE
L’addiction au tabac surgit quand on est dépendant à la nicotine.
Le cerveau a besoin de sa dose de nicotine.
C’est ce que l’on appelle la dépendance physique.
Alors pour soigner cette dépendance physique, il est grandement recommandé :
1/ de prévoir en premier lieu, de consommer des doses importantes de nicotine (correspondant au passé tabagique du fumeur et permettre à son cerveau de s’habituer à recevoir la nicotine de manière différente que par la cigarette). Cette consommation peut se faire soit par des substituts nicotiniques, soit par la cigarette électronique.
2/ de diminuer ensuite petit à petit sa dose de nicotine.
La nicotine doit être votre amie, une alliée de taille dans votre arrêt du tabac.
La nicotine est une plante naturelle, non cancérigène (scientifiquement prouvé). Quand on fume, c’est la combustion qui tue, et qui est responsable des maladies liées au tabac.
Ci-dessous, mon histoire avec la nicotine que je fréquente depuis ma naissance…
L’IMPORTANCE DE L’ENTOURAGE
En plus de cette dépendance physique qu’il faut gérer, il faut également bien savoir s’entourer.
Si le fumeur qui essaie d’arrêter de fumer ne reçoit que des messages de découragement, cela ne peut qu’être voué à l’échec.
GÉRER SES PEURS
Oui le fumeur a peur d’arrêter de fumer, surtout s’il a essayé plusieurs fois sans jamais y parvenir. Cette peur est légitime mais ne doit pas pour autant être un frein à la tentative d’arrêt du tabac.
Jacques Le Houezec vous explique pourquoi ci-dessous :
ANALYSER SON PROFIL DE FUMEUR EN AMONT DE L’ARRÊT
La cigarette « plaisir et détente »
La cigarette Plaisir est une des plus difficile à oublier, c’est celle dont on se souvient avec nostalgie longtemps après avoir arrêté, jusqu’à en rêver la nuit ! C’est la cigarette du petit café, du retour à la maison après une journée de travail, la cigarette-récompense, la cigarette-détente… C’est aussi la cigarette conviviale, celle qui fait du bien lors d’une soirée en amis, avec un apéritif.
Certains fumeurs légers (moins de cinq cigarette par jour) font partie de cette catégorie. Ils peuvent passer plusieurs jours sans fumer et n’y pensent même pas. Ils peuvent fumer beaucoup de cigarettes lors d’une soirée, puis s’en passer pendant plusieurs semaines. Sans doute protégés génétiquement contre l’addiction à la nicotine (5 à 10 % des individus), ces fumeurs Plaisir ont la chance d’en rester là.
Malheureusement quand on commence à fumer, il est impossible de savoir si on fait partie de ces quelques chanceux. Le schéma classique, bien au contraire, c’est l’installation de l’addiction. Les cigarettes Plaisir cèdent la place aux cigarettes Habitude, aux cigarettes Besoin… Tout le paquet finit par y passer et en fin de compte, il ne reste plus que deux ou trois cigarettes par jour qui correspondent à un vrai plaisir, au petit bonheur de fumer.
Conseils pratiques :
La cigarette Plaisir et Détente est à l’origine de la plupart des échecs de sevrage.
On a beau être décidé à arrêter pour se dépolluer de ces dizaines de cigarettes qui intoxiquent et enchaînent, le désir de cette cigarette-là peut balayer toute volonté en un instant.
Pour l’espoir fallacieux de renouer avec cette sensation-là, on en reprend une, à l’occasion d’une soirée, pour accompagner un conjoint fumeur… en se disant que promis-juré, on se limitera à ces deux ou trois cigarettes-là chaque jour, pas plus.
Cela ne marche jamais. Quand on a été fumeur, on le redevient.
Très vite, on repasse à dix, au paquet… et ce ne sont pas des cigarettes Plaisir : l’addiction est revenue.
Ne désespérez pas pourtant, décrypter ce mécanisme, c’est déjà se donner les moyens de le combattre.
En pensant par exemple au plaisir du goût, de l’odorat… et de la bonne mine retrouvés. Il faut aussi être attentif à introduire du plaisir dans votre vie : le sport ou le chant (grâce à votre nouveau souffle), la musique… ou des plaisirs plus coûteux (voyage, spectacles) enfin accessibles grâce aux économies réalisées sur l’arrêt du tabac.
Enfin, le simple fait de savoir que le souvenir des cigarettes Plaisir menace votre sevrage vous permettra de mobiliser votre volonté sur ces cigarettes à risques.
C’est pour cette raison que les chances de réussite augmentent à chaque tentative de sevrage : instruits par l’expérience, les “ex-futurs-ex“ stoppeurs repèrent mieux ce piège.
La cigarette « besoin »
C’est clairement la cigarette de la dépendance physique à la nicotine.
Celle qui fait ressentir l’état de manque quand elle baisse dans le sang. À ce stade, le fumeur n’arrive pas à s’empêcher de fumer chez ses amis non-fumeurs au risque de se fâcher avec eux, et craque parfois jusqu’à allumer une cigarette en présence des enfants.
On le retrouve avec sa perfusion, en train de fumer devant l’entrée de l’hôpital…
C’est le type de fumeur qui est le plus proche du profil classique de drogué.
Conseils pratiques :
Patch, gomme, votre médecin vous guidera, mais le substitut nicotinique st indispensable.
Comme l’héroïnomane, le fumeur Besoin a… besoin d’un produit de substitution. La détermination des doses et des moments où elles doivent être délivrées à l’organisme relève de la tabacologie.
A noter, chez ces gros fumeurs, comme ceux de la catégorie Cigarette Habitude (ci-dessous), les sevrages ratés sont souvent dus à une prescription insuffisante de nicotine de substitution.
La cigarette « habitude »
La cigarette Habitude est un cran au-dessus de la cigarette Besoin qu’elle accompagne immanquablement.
Le fumeur est devenu à peine conscient de son geste. Il est du genre à allumer sa nouvelle cigarette avec le mégot de la précédente.
Sa cigarette est devenue une prolongation du bras, de la bouche du fumeur. Une part entière de son identité. C’est le mégot de Lucky Luke, sur le bord des lèvres.
A noter, tous les fumeurs, quel que soit leur profil, égrènent quelques cigarettes Habitude dans leur journée : celle que l’on allume machinalement en attrapant le téléphone.
Conseils pratiques :
Chacun a intérêt à repérer ces cigarettes Habitude dans son quotidien.
Le simple fait d’en prendre conscience et de s’apercevoir qu’elles relèvent du geste mécanique, les rend moins indispensables, plus faciles à éviter.
Pour les gros fumeurs le substitut nicotinique est indispensable. La détermination des doses et des moments où elles doivent être délivrées à l’organisme doit se faire par un tabacologue.
A noter, chez ces gros fumeurs, comme ceux de la catégorie Cigarette Habitude, les sevrages ratés sont souvent dus à une prescription insuffisante de nicotine de substitution.
Un patch de 21 grammes ne comble pas le manque de quelqu’un qui fume trente ou quarante cigarettes par jour et absorbe ainsi 80 mg de nicotine. La sensation de manque sera là, intense. Ces gros fumeurs ont besoin d’appliquer plusieurs patchs, sous contrôle médical ou d’associer plusieurs substituts, voire même d’utiliser une cigarette électronique.
Il serait judicieux également d’ajouter aux substituts une thérapie cognitive et comportementale pour reconstruire une image de soi qui n’intègre plus la cigarette et casser les réflexes conditionnés.
La cigarette « stimulation »
La cigarette Stimulation, c’est celle que vous allumez au moment de plonger dans le travail, quand il faut lutter contre le vertige de la “page blanche“, rédiger un rapport, trouver une solution à un problème…
C’est aussi la cigarette “anti-fatigue“, celle dont vous appréciez l’effet excitant le matin au réveil ou à l’heure du coup de barre en début d’après-midi.
Vous recherchez le côté dopant de la nicotine dont les propriétés psycho-stimulantes sont parfaitement démontrées.
Elle attise la mémoire à court terme ; elle stimule l’attention et la vigilance. Au niveau physique, elle améliore les capacités sensorielles (vision et audition) et motrices (réflexes, habileté psychomotrice..).
Vous êtes de ces fumeurs qui utilisent la cigarette pour se sentir au mieux de leurs capacités, dans la plénitude de leurs moyens.
Conseils pratiques :
En début de sevrage, vous risquez de vous sentir moins performant au travail et de peiner à fournir les mêmes efforts intellectuels que d’habitude. Ce phénomène est directement lié à la baisse du taux de nicotine dans le sang. Il est très vif les premiers jours, mais il finit par devenir ponctuel jusqu’à disparaître complètement.
Première remarque, pour ceux qui carburent à la stimulation par la nicotine, mieux vaut ne pas s’arrêter juste avant des examens ou en pleine “charrette“ au travail.
Autant reporter votre projet d’une semaine au deux pour vous donner de vraies chances. Et pourquoi ne pas profiter par exemple du mois sans tabac ?
Parallèlement, menez une vie très saine (sommeil, alimentation) qui vous donnera du tonus et de l’énergie.
Vous atténuerez ainsi l’impression de méforme que provoque la suppression de la cigarette chez vous. C’est le moment ou jamais, pour ceux qui en ont envie, de se mettre au sport et de s’offrir des shoots naturels d’endorphines.
CONCLUSION
Quelque soit votre profil, le fait de prendre la décision d’arrêter est déjà un grand pas.
Ne restez pas seul, pensez à prendre conseil auprès de fumeurs qui ont déjà réussi à arrêter et qui pourront être les meilleurs conseillers, en plus de votre médecin ou tabacologue, puisqu’ils auront vécu les mêmes difficultés que vous.
Pour cela internet est votre allié.
Inscrivez-vous sur les fora, sur les groupes de soutien, parlez-en autour de vous à des personnes bien intentionnés à votre égard.
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